Les aventurières, les mal-aimées, les délaissées, Ingrid les
repère au premier regard.
Leurs visages lui parlent. Leur attitude l'appelle. Leur
solitude lui serre le coeur.
En un clin d'oeil, Ingrid sait. Elle comprend qu'elles ne
sont pas heureuses là où elles sont. Alors elle agit. Tantôt
elle patiente, mûrit son coup ; tantôt elle saisit l'occasion
immédiatement. Ses préférées, ce sont les joueuses et les
cabossées de la vie. Elle les prend. Les enlève. Les emporte
avec elle. Ensuite, bien sûr, elle est obligée de les cacher.
Si ses parents savaient... Ils auraient honte d'elle. Ou
peur. Leur enfant, une menteuse, une voleuse, une kidnappeuse
? Impossible pour ce couple modèle de ne pas
avoir une fille parfaite.
Certes, il ne s'agit que de poupées, mais pour Ingrid
elles sont des personnes, des personnes muettes et belles,
vivantes. Les voler ? Pas du tout, elle les sauve, de l'oubli
et de la négligence. Mentir ? Mais d'abord, qui a commencé
à mentir, dans cette histoire ?