Paru en 1982, cet ouvrage a fait partie d'une thèse de doctorat dont il
était le début : le récit d'enfance de Stendhal est considéré comme
le moment premier de la révolte romantique ; l'enfant est déjà l'individu,
il est lui-même, né de lui-même et il est déjà «Moi-même», dans un
mouvement de négation de tout ce qui le précède, l'opprime ou le limite.
Les études postérieures qui lui sont ajoutées portent sur l'autobiographie
stendhalienne : la Vie de Henry Brulard est un non-livre qui échappe
à toute forme ou norme, dans la mesure où Stendhal refuse de raconter un
passé connu et établi comme une histoire ; son écriture se confond avec
l'acte même de la remémoration et le texte qui exhibe tous les procédés
de rappel (les croquis) devient une sorte de chantier de la mémoire.
Mais Stendhal veut fuir la puanteur du narcissisme microscopique qui
se dégage de tout discours d'un Moi épris de ses particularités : il faut
alors que tout aveu suggère un désaveu, que toute singularité soit prise
dans une ironie subtile, que le moi lui-même échappe aux définitions,
aux classements par qualités et défauts. Tel est le paradoxe : il esquive
d'autant mieux l'exhibitionnisme que son identité échappe à toute saisie.
Enfin dernier problème : cet enfant révolutionnaire est-il déjà un
adulte ? Le récit n'est pas faussé par l'anachronisme d'un autobiographe
trop content de constater qu'il n'a jamais été un pur enfant. Henry Brulard
fait la révolution, mais dans une seule famille. Et la Révolution contient
une énergie, qui assure en quelque sorte la croissance de l'enfant.