Notre époque nourrit un intérêt particulier pour la parole brève, qu'elle considère comme une marque de la modernité littéraire, en oubliant parfois que la question est ancienne.
De la brachylogie des rhéteurs grecs à la « forme brève » de nos contemporains, en passant par la brevitas des orateurs latins ou le minor poem d'Edgar Poe, l'histoire du bref apparaît constituée de pratiques discursives diverses, tant collectives qu'individuelles.
Retrouver les enjeux liés à ces différentes conceptions du bref permet en retour de porter un regard critique sur la manière dont la question est abordée aujourd'hui. De ce point de vue, la confusion entre le bref, qualité interne du discours, et le court, propos sur la dimension, reste une difficulté majeure. Cette confusion a favorisé le regroupement, sous la catégorie de « formes brèves », d'un bric-à-brac d'objets de langage ayant pour point commun leur seule « petite » dimension, à l'image de la bribe, de la maxime, de la fable, de l'injure, du haïku, ou de la coupure de presse.
À partir d'une réflexion générale - historique et critique -, le présent essai propose de penser la brièveté en dehors des dualismes, qu'ils soient formels (le court opposé au long) ou rhétoriques (le concis opposé à l'ample). Le point de vue d'une poétique des discours permet de concevoir différemment l'idée de bref : par la notion de justesse, qui appartient en propre, dès l'Antiquité, à la question de la brièveté.