Les expériences romanesques ne s'éteignent pas avec le réalisme et le roman historique. Les récits de Walter Scott sont émaillés d'interrogations, angoissées le cas échéant, sur son art : comment raconter des événements extraordinaires appartenant parfois à un passé révolu ? Comment mettre en scène ce qui est étranger à l'univers du lecteur ? Chacune de ses œuvres donne des réponses partielles et consciemment imparfaites à ces questions. La conviction que tout récit représente un compromis entre la subjectivité d'un narrateur et la capacité d'imagination d'un interlocuteur sous-tend le récit, en France et en Grande-Bretagne, jusqu'à Barbey d'Aurevilly qui fait figure de retardataire. Loin des certitudes conquérantes du réalisme le plus intransigeant et du naturalisme, nos auteurs sont habités par une croyance : toute narration, qu'elle soit fictive ou factuelle, n'offre que le filtre du regard. Mais reconnaître ce regard dans le miroir, cette trace indélébile laissée par le spectateur dans l'œuvre, est sûrement le moyen le plus honnête, aux yeux de Scott et de Barbey, pour atteindre la vérité. Car c'est un mode de représentation qui témoigne de ses propres limites.