Otinchi, berger kazakh, se souvient de la première rencontre avec l'auteur après l'indépendance
de son pays : «Tu es venue en premier, et après toi le capitalisme ; la troisième
fois que tu es venue, tous les moutons avaient été mangés». Entre monographie et témoignage,
cet ouvrage livre au lecteur l'écho des dernières transhumances dans le sud-est
du Kazakhstan.
La vie dans la yourte, hutte mobile de feutre et de bois, s'articule autour de deux axes
horizontaux, aîné/cadet, masculin/féminin, et d'un axe vertical, celui de l'arbre des mondes
où les deux ouvertures de l'habitation, le chanirak au sommet du toit et la porte, sont
considérées comme des voies d'accès aux au-delàs du monde des humains. C'est cette
organisation spatiale qui fonde la société traditionnelle kazakhe et qui permet à chacun
d'y trouver sa place. En donnant la mesure du monde, la yourte est un opérateur de sens.
Dans les steppes et les montagnes environnantes, la vie quotidienne est rude, parfois dangereuse
; elle perpétue le respect des équilibres entre les mondes, entre les personnes,
et favorise la circulation de la belle parole, celle-là même qui intervient dans les échanges
avec les Dieux, les habitants des autres mondes et les djinns.
Génération-charnière puisqu'elle a connu la période soviétique, la chute du Mur et la nouvelle
République, ces fils et filles des steppes et des montagnes ont dû accepter de quitter
la yourte pour assurer un avenir à leurs enfants. A partir d'une ethnographie de la vie dans
la yourte, l'auteur présente un monde nomade à jamais disparu et interroge, pour finir, les
transformations du modèle social kazakh coutumier désormais entré en modernité.