Dossier Séries télévisées et formes de vies sous la direction de RENAUD PASQUIER Jadis on les dédaignait, on les négligeait, on les stigmatisait comme symbole de sous-culture et de mauvais goût, bras armé de l'abétissement généalisé. Les temps ont bien changé : aujourd'hui les séries américaines sont portées au pinacle, elles ne sont plus ce plaisir honteux qu'on cachait, au contraire, il est de bon ton, à tout âge et dans toute classe sociale, de clamer son admiration pour Les Sopranos, The Wire, Mad Men, et bien d'autres, et d'ajouter aux soirées passées devant l'écran les heures de conversation. Enfin les séries suscitent l'écriture, un déferlement de textes, d'analyses, articles, communications, bien au-delà des sphères de fans ou de journalistes spécialisés, jusque-là leur domaine réservé. Les sociologues, les philosophes, les critiques littéraires s'en emparent, en font leur objet de prédilection. Nous souhaiterions moins nous inscrire dans cette vogue que l'interroger. Amateurs assidus de séries nous-mêmes, nous voulons comprendre comment et pourquoi elles ont pris tant de place dans nos vies et celles de nos contemporains mieux encore, comment elles les ont façonnées, informées, transformées. Non pas donc considérer les séries comme des objets à manipuler à notre guise, calibrées selon concepts et raisonnements préalablement construits, mais mettre en jeu notre expérience de spectateur, et donc inverser les rôles : comment devenons-nous les objets des séries ? comment nous donnent-elles forme(s) ? Quelles « formes de vie » font naître les séries télévisées ? On le saisira qu'en partant justement de la « forme » sérielle, et des esthétiques singulières des séries. Enfin puisque que c'est de nos vies de spectateurs qu'il est question, nos textes mettront en scène des subjectivités aux prises avec l'expérience sérielle et toutes ses conséquences.