Les réfugiés, ceux qui font la une de l'actualité, ne cessent de lutter pour une vie meilleure, et leurs déplacements peuvent s'étendre sur des durées très longues marquées par l'incertitude et la précarité. Arrivés dans le pays qui traite leur demande d'asile, ils se trouvent encore en « suspension territoriale », dans un entre-deux entre pouvoir rester et devoir repartir.
Alexandra Felder s'intéresse aux trajectoires singulières de construction de soi en exil, à travers les activités des demandeurs d'asile qui se révèlent être de puissants vecteurs de résistance. Résistance à la réduction de soi à un statut de « demandeur », à l'assignation à la place d'étranger en quête d'un statut de citoyen. Dans l'activité partagée avec autrui, le sujet exilé transforme sa situation et lui-même. Il s'approprie des manières de faire, diversifie les temporalités par les rythmes des activités, noue des relations sociales et développe des interactions, réactualise des schèmes d'action. En cela, il participe à une construction commune du monde avec autrui.
Ainsi sans sous-estimer le poids des contraintes, des déterminations sociales majeures ici, l'ouvrage montre que l'important n'est pas seulement le traitement qui est fait aux réfugiés, mais ce qu'ils font eux-mêmes de ce qu'on fait d'eux.