En décrivant la vie aventureuse d'un vagabond durant la guerre de Trente Ans (1618-1648), le romancier baroque J. J. C. de Grimmelshausen conduit son héros en Suisse. Quel n'est pas alors l'étonnement de celui-ci : « Le pays me parut aussi étrange que si j'avais été en Chine ou au Brésil ; j'y vis les gens travailler, les routes étaient sûres pour les voyageurs, les auberges pleines de gens qui prenaient du bon temps ; ce pays me parut être un paradis terrestre bien que par nature il me semblât plutôt rude. »
L'historien est donc directement interpellé. Depuis le XVIIe siècle, en effet, les Suisses ont la réputation d'être un peuple heureux, d'appartenir à cette région privilégiée de l'Europe où l'on mange à sa faim, où l'on vit en sécurité, où la pression fiscale est supportable et le pouvoir étatique assez présent pour qu'on sache qu'il existe mais assez lointain pour qu'on n'ait pas à s'en plaindre. En abordant L'âge classique, ce livre s'interroge sur les raisons de cette image valorisante. Il démontre que, si les XVIIe et XVIIIe siècles sont bien ceux de la maturation d'un système politique et économique, cela ne va pas sans tensions ni conflits.