Les quarante-deux années du règne de
Charles VI (1380-1422) sont des années
singulièrement contrastées. Jusqu'au désastre
d'Azincourt, en 1415, la guerre franco-anglaise
semble le plus souvent endormie et
s'il ne rôdait pas, un peu partout, des hommes
de main désoeuvrés, recherchant rapine et violence faute de pouvoir
servir un chef de guerre, elle marquerait fort peu le pays. Elle devait
être, cependant, relayée brutalement, à partir de 1407, par des
combats franco-français opposant, après l'assassinat du duc
d'Orléans, les factions rivales des Armagnacs et des Bourguignons.
Jusque là pourtant, et même encore après ce drame, la cour royale et
les suites des ducs mènent une vie de faste. Les fêtes se multiplient,
les vêtements se font de plus en plus riches, les princes royaux
acquièrent des oeuvres d'art de toutes sortes. De tout cela bien peu a
survécu : quelques rares tableaux, si isolés que l'on saisit
difficilement leur réelle importance, mais les tapisseries et les objets
d'art ont presque complètement disparu. Une seule expression
artistique de ce temps nous est parvenue en quantité appréciable : la
miniature. Les livres précieux, enrichis d'un décor somptueux,
l'enluminure, et d'illustrations, les miniatures, sont des attributs de
la puissance de leurs propriétaires. Ceux que nous conservons nous
donnent un aperçu de la richesse de l'entourage royal. Ils nous
apportent surtout un témoignage particulièrement impressionnant
d'une très riche production picturale, favorisée par les commandes
des grands personnages. Dans leurs folios s'élabore un art nouveau
dont l'essor sera brutalement interrompu, dans les dernières années
du règne, par les crises politiques et financières.
Le Livre d'Heures du Maréchal Boucicaut, conservé au musée
Jacquemart-André à Paris, est un des plus beaux exemples des
manuscrits à peintures de ce temps et fait l'objet, dans la deuxième
partie du volume, d'une étude détaillée accompagnant la
reproduction en couleurs de toutes ses miniatures.