Depuis la catastrophe de Fukushima, le gouvernement allemand a décidé de
renoncer au nucléaire civil. À voir... En 1990, il avait confirmé la même
position pour le nucléaire militaire. Que signifie cette politique ? Le présent
ouvrage, aidé par le ministère de la Défense, répond, de façon « réaliste » et
« constructiviste ».
L'histoire de la tentation nucléaire de l'Allemagne éclaire certes le contenu
du traité sur la non-prolifération de 1969. sa genèse, son interprétation, ses
lacunes, à travers une politique qui semble s'être enfermée dans un « triangle »
national, atlantique, européen et une dissuasion « concertée », « partagée ».
Mais la RFA a conservé la possibilité technique d'acquérir une défense
nucléaire autonome, au-delà de la restriction de sa souveraineté de 1949 à 1989.
Depuis sa réunification, elle affirme une volonté d'indépendance et de retour à
la puissance.
Il s'en faut de beaucoup que les aléas de sa politique énergétique aient diminué
son potentiel militaire. Située en première ligne durant le conflit Est-Ouest,
la Bundeswehr a été préparée et entraînée à la guerre nucléaire ou nucléaro-
conventionnelle en Europe centrale. Elle a partagé avec les forces anglo-
américaines basées outre-Rhin des milliers de têtes nucléaires. Elle dispose
des vecteurs adéquats : artillerie, sous-marins, missiles, avions. Le commerce
nucléaire avec l'Inde, le Pakistan, le Brésil. l'Argentine. l'Afrique du Sud. l'Irak
ou l'Iran s'est montré hautement « proliférateur », jusqu'à ce que le contrôle
des exportations ait été resserré en 1990-1992. Les scandales dans la presse, les
informations délivrées par les douanes, les procès pour exportations illégales de
matériels à usage militaire, ont révélé les capacités allemandes. En l'absence de
réglementation contraignante sur le commerce extérieur, ce pays a le pouvoir
de priver de toute efficacité le régime international de non-prolifération. In fine,
le niveau technologique atteint par l'industrie nucléaire, les stocks de matériaux
fissiles à usage dual et l'expérience de la Bundeswehr, font de la RFA une
puissance nucléaire « en filigrane ». Celle-là même qui participe depuis 2002,
aux côtés de la France et de la Grande-Bretagne d'une part, des trois autres
membres permanents du Conseil de Sécurité des Nations unies d'autre part, aux
discussions sur le nucléaire iranien !