Ce livre, le dernier de Paul Morand, étonne, au premier abord, parce que le grand écrivain s’efface derrière la voix et la parole de Gabrielle Chanel elle-même : « Je pris plaisir à relire mes feuillets volants […]. Rien n’était de moi?; tout d’une revenante, mais qui, outre-tombe, gardait un galop effréné, son allure normale. Allure dans tous les sens du mot. » Au fil des pages, la vie, le travail, la personnalité de Coco se dévoilent et, par-delà, c’est l’histoire du xxe siècle qui s’éclaire d’un jour nouveau. À travers les portraits de Missia Sert, Erik Satie, Serge Lifar, Raymond Radiguet, Jean Cocteau, Picasso, Churchill, ce livre redonne vie au personnage même de l’insaisissable, mystérieuse et attachante créature dont Malraux disait qu’elle comptait, avec De Gaulle et Picasso, parmi « les plus grandes figures de notre temps ».
Je n’ai jamais connu l’insuccès. J’ai réussi de bout en bout tout ce que j’ai entrepris. J’ai fait aux gens plus de gentillesses que de misères. J’ai acquis le bien-être moral, à côté de l’autre. Cela me rend libre comme l’oiseau. M. Sartre a beau m’expliquer que je suis misérable, enfermée dans ma condition humaine […], je suis décidée à être heureuse sans avoir besoin de ce poison quotidien, récemment inventé, qu’on nomme le bonheur. (Extrait)