Ce qui fait crier les poèmes de Juan Gelman, c'est la douceur. Une douceur glissée entre les lignes du fracas du monde. Un monde qui lui-même glisse vers ses extrémités douloureuses. Des mots contre la cruauté. Des mots doux. Ou comme le dit Julio Cortár : « Peut-être le plus admirable de la poésie de Gelman est-il cette presque inconcevable tendresse là où serait beaucoup plus justifié le paroxysme du refus et de la dénonciation. » Fureur donc et refus de fureur. Rage et refus de rage. Langue et insuffisance de la langue. Incomplétude. C'est là, dans le paradoxe pluriel, qu'intervient le poème, seul à être capable de dire l'indicible.