Certains, alors qu'ils expriment des choses triviales, fumeuses et dépourvues d'intérêt avec médiocrité, confusion et de manière insipide, s'en consoleront en se disant qu'ils sont « profonds ». Nous autres, soyons modestes. Tout ce qui palpite en nous, ramenons-le à la surface lumineuse de notre esprit de manière à le rendre sensible et palpable comme la vie ; exprimons autant que possible ce qui est complexe avec simplicité, ce qui est obscur avec clarté, et laissons croire que nous sommes simplement spirituels.
Poète, romancier, nouvelliste, Dezső Kosztolányi (1885-1936) fut l'un des écrivains hongrois majeurs du siècle passé. Il fut également publiciste, auteur d'innombrables petits écrits - authentiques manifestes - qu'il publia quotidiennement dans les journaux et les revues. Dans une sélection de ces proses brèves, ici proposées et traduites par Thierry Loisel et toutes centrées sur le thème de la langue, Kosztolányi nous livre un véritable traité d'éthique et d'esthétique, souvent impertinent mais toujours rédigé avec la juste distance nécessaire face à l'émotion, au savoir académique, à l'altérité, sans cesser d'interroger l'énigme du langage et de la beauté pour mieux laisser jaillir la force d'une pensée toujours en mouvement.
« Ironie et conscience : les deux éléments n'en font qu'un, et c'est là le fondement de la poésie [...] Vous apportez une nouvelle distinction, et mieux encore, vous rattachez votre nom à la liste de ceux qui font la vie de l'esprit et de la culture européenne. » (Lettre de Thomas Mann à Kosztolányi).