Un père autoritaire, une fille amoureuse, un prétendant hardi,
une servante futée - l'équation est banale et sa résolution
aisée pour qui a déjà composé Le Médecin volant : la
servante futée suggérera à la fille amoureuse de feindre une
crise de délire que le prétendant hardi, déguisé en médecin,
soignera par un vrai faux mariage sous les yeux abusés du
père démis de son autorité. Ou comment l'Amour se fait
médecin des maux mêmes qu'il provoque. Qu'un quarteron
de médicastres de cour, identifiables sous leur masque
comique, viennent ajouter la mascarade de leur sabir à cette
aimable mystification, et voilà un impromptu bien troussé et
sans plus de mystère. Sauf que... Sauf qu'il aurait fallu écouter
d'une oreille plus attentive les diagnostics caricaturaux et
les pittoresques remèdes proposés à Lucinde : l'analyse
minutieuse de Patrick Dandrey montre que sous l'apparente
gratuité de leur badinage ils disent le mal même que fuit la
jeune vierge à la faveur de ce stratagème, en déclinant à
demi-mot le très ancien discours de la folie d'amour, de cette
«mélancolie érotique» qui menace les filles interdites d'aimer.
Sous la bluette comique se révèlent ainsi, la lestant d'un
poids inattendu d'humanité, les angoisses et les protestations
de la nature violentée : serait-ce le secret du mentir-vrai de
Lucinde ?