La Péninsule ibérique, qui est une unité géographique évidente (aux yeux
des étrangers...), devient au Moyen Âge, une fois passée la phase d'unité wisigothique,
une zone de particularismes politiques et de grande diversité culturelle.
Cette complexité s'exprime particulièrement dans la variété des langues vulgaires.
Au sud, l'arabe joue un rôle notable dans la culture écrit - et c'est là une des
principales originalités hispaniques par apport au reste de l'Occident médiéval -,
mais il voisine avec des dialectes romans dits « mozarabes », employés massivement
dans la communication verbale. Au nord, la différenciation politique, entre
le VIIIe et le XIIe siècle, renforce la diversification linguistique, avant que des processus
d'expansion et de centralisation, entre le XIe et le XVe siècle, ne conduisent
à la domination - au moins à l'écrit - des normes linguistiques castillane (dans le
centre de la Péninsule) et galégo-portugaise (à l'ouest), aux dépens de dialectes qui
leur sont de toute façon assez proches (léonais, navarrais, aragonais) et aussi aux
dépens de l'arabe. Enfin, à l'est, le catalan, qui franchit les Pyrénées, appartient
aux langues d'oc, et les régions ibériques catalanophones, qui sont d'ailleurs d'une
richesse documentaire sans pareille, ont une histoire très liée au monde franc,
depuis l'intervention carolingienne ; pour ces raisons, ce domaine linguistique est
exclu de ce volume, comme le basque et l'arabe en tant que tel.
C'est de cette richesse que ce livre veut rendre compte. Sans être aussi précoce
que pour les langues germaniques, l'emploi des langues vulgaires ibériques
à l'écrit s'observe assez tôt, à partir du début et plus encore du milieu du XIIIe
siècle, et surtout il devient rapidement massif, en complément du latin : il est
donc essentiel, à qui veut étudier et comprendre l'histoire des populations médiévales
de la Péninsule ibérique, d'accéder aux textes rédigés dans ces idiomes,
d'autant plus que les écrits du bas Moyen Âge constituent, au moins autant
qu'ailleurs, la plus grande masse de la documentation conservée. Dans ce but, le
parcours proposé ici est triple :
L'ouvrage peut donc être utilisé par l'étudiant et le chercheur comme un
manuel et comme un instrument de travail (un « atelier », selon la philosophie
de cette collection, mais il peut servir aussi de cabinet de curiosités où l'honnête
homme découvrira des langues sonores et savoureuses, un art d'écrire, bref
l'essence même d'une culture.
L'atelier du médiéviste
Rechercher, comprendre et exploiter la documentation
médiévale demande un difficile apprentissage.
C'est pourquoi des spécialistes se sont réunis
pour transmettre savoir, expérience, tours de main
et secrets d'atelier.
Les volumes de la collection « L'Atelier du
médiéviste » sont consacrés à l'approche critique
des grandes catégories de sources (chartes, armoiries,
inscriptions, monnaies, sceaux, documents
archéologiques, images), au décryptage des textes
(paléographie, identification des sources et des
citations), aux langues de l'Europe du Moyen Âge,
à des domaines précis de la recherche (droit civil
et canon, histoire économique et sociale, histoire
monastique et canoniale, liturgie, théâtre, folklore,
mouvements hérétiques, histoire byzantine, etc.),
aux méthodes d'exploitation des sources (traitements
statistiques).
Dans tous les cas, les notions de base sont
assorties de bibliographies critiques, de conseils pratiques
et d'ouvertures vers de nouveaux territoires
d'enquête. La plus grande place est réservée aux
documents eux-mêmes, reproduits, traduits, expliqués,
analysés avec un souci constant : montrer une
méthode à l'oeuvre.