Loin d'être une évidence, l'implication politique de l'anthropologue dans la vie de la cité semble susciter l'hostilité de tous ceux qui entendent cantonner son activité dans le périmètre de sa discipline, celui de la seule exploration des sociétés dites « primitives ».
À leur encontre, Jean-Loup Amselle fait ici valoir la pertinence du regard classique de l'anthropologue pour l'analyse des sociétés « modernes ». Pas seulement parce qu'il y aurait une leçon à tirer d'un détour par les sociétés « primitives », mais parce que la prise en considération de la raison anthropologique se révèle efficace pour saisir les ressorts d'un monde « moderne » que l'on prétend régi par des causes exclusivement économiques.
L'anthropologue est en mesure d'affirmer que s'il ne faut pas attendre des sociétés « primitives » un modèle de renouveau politique possible, il ne faut pas davantage croire les sociétés « modernes » exemptes de toute « pensée magique », comme le démontrent, pour une part, la crise financière actuelle et, pour une autre, les heurts culturels, religieux, ethniques ou nationalistes qui surgissent sur l'ensemble de la planète.