L'Argentine fait figure de pays à part dans l'ensemble latino-américain. Cette périphérie délaissée de l'Empire espagnol a en effet connu, au début du XXe siècle, une exceptionnelle prospérité qui a fait croire qu'elle pourrait rivaliser avec les pays européens ou les Etats-Unis. Mais ces brillants espoirs ont été déçus, dans un déclin apparemment irréversible qui a laissé aux Argentins une irrémissible nostalgie et sans réponse la question de l'identité nationale.
C'est la dimension territoriale de ce destin que ce livre examine en insistant plus particulièrement sur l'articulation, dans le temps long comme dans le présent, entre les provinces et la nation. Il invite à ne plus confondre le pays et son immense capitale, pour percevoir les différences régionales et la façon dont elles constituent, non sans difficultés, un ensemble sous la bannière fédérale. La tension permanente entre centralisme, sous la houlette de Buenos Aires, et fédéralisme, laissant à chaque province une large autonomie, recoupe les débats argentins de la colonie à nos jours, de l'aménagement du territoire à la représentation politique en passant par la fiscalité. Les réformes libérales et la création du Mercosur lui ont redonné de la vigueur. Au-delà du cas particulier, cette dialectique de l'un et du multiple offre une grille de lecture pour d'autres espaces en Europe comme dans les Amériques.