Le naufrage considéré comme un des Beaux-Arts ! Avec un humour « pince-sans-rire » et une prose malicieuse, le romancier Pierre Senges livre une vraie-fausse suite au texte d’Antonio de Guevara, qui voulait dès le XVIe siècle dissuader ses compatriotes espagnols de prendre la mer, et le large.
« Certains se lamentent sur le pont du navire, au chapitre de la tempête, quand il s’ouvre en deux (le navire, mais le chapitre aussi), pile au milieu, là où il était le plus chargé, le plus fragile, et lègue à l’océan son contenu de merveilles — ah, l’insatiable océan : indifférent, absolument indifférent et cependant glouton comme personne, sa gloutonnerie proportionnelle à son absence d’appétit véritable. »
Pierre Senges
L’antienne est connue : l’existence est un voyage. Ici, toutefois, la métaphore s’effondre car la navigation en mer, plus qu’aucune autre activité humaine, favorisa au XVIe siècle les ententes fatales entre l’aléatoire (les décrets de la Fortune) et l’inéluctable (la mort) — la notion de « galère » étant d’autant mieux partagée que son domaine s’étend indifféremment à toutes les brimades que réserve l’existence. Mêlant fable et réalité, Antonio de Guevara a composé une fiction où s’enchaînent la peinture de scènes saisissantes de la vie sur une galère et la description minutieuse du mouvement qui a pu animer ces âmes décidant de « prendre le large ».
L’art de naviguer est traduit de l’espagnol et postfacé par Catherine Vasseur. La préface et la fictionL’art de faire naufrage (vivacité de pesanteur) sont de Pierre Senges.
Historiographe de Charles Quint, Antonio de Guevara (v. 1480-1545) exerça son art de discourir dans divers traités, dontLe Réveille-matin des courtisans et Du mespris de la court. Pierre Senges est l’auteur de livres aussi subtils qu’aventureux, parmi lesquels La réfutation majeure — dont l’écho se prolonge dans ce livre —, Fragments de Lichtenberg, Achab (séquelles) et Projectiles au sens propre.