Dans les communautés de culture orale d'Afrique subsaharienne, pas question
de parler à tort et à travers : la parole fait l'objet de grands soins et, avant
de la laisser s'envoler, on la façonne, on la «cuit» comme disent les Peuls.
Sa circulation est aussi très réglementée, particulièrement lorsqu'il s'agit
d'une parole patrimoniale consignée dans un répertoire, ce qu'on appelle
habituellement littérature orale. L'exercice de la parole devient alors un art
que, selon ses talents et suivant les genres considérés, chacun peut exercer à
des degrés de réussite divers, dans un cadre toutefois strictement prédéfini.
Le présent ouvrage expose les caractéristiques propres à ce mode culturel
spécifique qu'est l'oralité africaine. Celui-ci est tout d'abord envisagé dans sa
pratique : représentation et catégorisation des discours canoniques, étiquette
de la circulation de la parole au sein du groupe, création littéraire entre
mimesis et variabilité, valeur performative de certains actes de parole... Il
est ensuite étudié dans ses fonctions socioculturelles, notamment dans son
rôle de contre-pouvoir pour certaines catégories sociales (femmes, enfants,
gens de caste, ex-captifs...). Ces réflexions sont illustrées à partir d'exemples
divers, avec toutefois une importante focalisation sur la culture mandingue
que l'auteur a eu l'occasion d'étudier de façon plus approfondie.