Comment écrire un livre sur une notion problématique, la race, qui a forgé une idéologie de la domination ? Comment la réinvestir en l'articulant à un corpus d'objets spécifiques - les oeuvres d'art représentant des figures noires - qui furent à la fois fétichisés et neutralisés par le musée et le discours ? Et enfin, comment historiciser, tout en gardant à l'esprit leur force essentialisante : l'art, la race, l'Africain et les Lumières, catégories qui ne fonctionnent pas seulement dans la compréhension que l'on peut en avoir dans un temps donné - celui, grossièrement, du XVIIIe siècle - mais qui ont une valeur heuristique par-delà leurs usages initiaux ?
Ce sont ces questions qui ont présidé à l'initiative de ce livre. Fondé sur une recherche de plus de dix ans sur les formes qu'ont prises les représentations des Noirs dans l'art français d'avant l'imaginaire abolitionniste, il couvre l'art et les cultures visuelles qui vont de la fin du XVIIe siècle, quand les colonies antillaises commencèrent à percer dans le champ artistique métropolitain, au premier tiers du XIXe siècle quand l'échec de la première abolition de l'esclavage (1802) durcit l'iconographie partisane en mettant la violence des vies dans les plantations à l'ordre du jour de la création artistique.