L'image de l'artiste-bohème laisse aujourd'hui la place à celle d'un
artiste-entreprise. Les performances de Murakami convergent avec
celles de Spielberg pour montrer qu'un artiste ce n'est pas seulement
un talent exceptionnel mais aussi un centre de relations, de contrats
et de gestion. À vrai dire, cette analyse n'est pas nouvelle. Si Durer,
Molière, Gallé ou Walt Disney ont étayé cette perception, la globalisation
comme la numérisation la rendent chaque jour plus pertinente.
L'artiste-entreprise assume alors deux dimensions : le développement
d'une créativité artistique qui s'inscrit dans un temps long et le conduit
à densifier son art ; la recherche d'une viabilité économique qui s'inscrit
dans un temps court et le conduit à redéfinir régulièrement ses
conditions de vie.
De la synergie de ces dynamiques dépend sa reconnaissance, de leur
divergence sa disparition. Dans l'univers incertain de la créativité, la
reconnaissance de l'artiste-entreprise doit à la confiance qu'il construit
autour de son oeuvre et de son nom. Dans un univers marchand, la
validation économique de ses oeuvres passe par des méta-marchés, la
gratuité servant de portail à la captation de marchés réels, la transformation
de consommateurs en producteurs servant de palier à leur
élargissement, etc.
Avec l'artiste-entreprise, bien des repères traditionnels sont remis en
cause : un monde de l'art qui suppose des portails obligatoires et convenus,
un pilotage à la Hollywood qui marginalise le rôle d'Hollyweb et de
ses communautés médiatées, une stricte distinction entre artiste, artisan
et designer.