« Une poésie savante est devenue chanson de tout le monde. À la mairie, et parfois dans les églises, les mariés écoutent Que serais-je sans toi [...]. On chante Aragon-Ferrat aux réunions de famille, au bal de l'amour, au départ des manifs, les coeurs battant, parfois aux enterrements [...]. Une partie de notre histoire et de notre culture communes est transmise par l'art le plus immédiatement populaire, vivant et éternel, tant qu'il y aura des hommes. »
C'est par cette référence à Jean Ferrat que Pierre Juquin ouvre le deuxième tome de sa biographie d'Aragon : 1939-1982... Voici donc l'ancien surréaliste plongé dans la Seconde Guerre mondiale, devenant chef et chantre de la Résistance nationale, partageant désirs et déconvenues de la Libération. Au fil des épreuves, le récit nous touche de plus en plus près. Le péril nucléaire, la guerre froide, la guerre d'Algérie, la déstalinisation et ses avatars, les insurrections étudiantes et le Printemps de Prague, le Programme commun de la gauche... Aragon vit ces événements en acteur de premier plan. Écrivain, l'un des plus grands de notre littérature, il lance des salves de chefs-d'oeuvre, depuis Le Crève-coeur jusqu'au Roman inachevé et aux Poètes, depuis Aurélien jusqu'à La Mise à mort et Blanche ou l'oubli, en passant par Les Communistes et La Semaine Sainte. Avec cela journaliste (notamment aux Lettres françaises), essayiste, critique d'art, historien même (de l'Union soviétique). Il dit comme personne les espoirs et les drames d'un siècle grand, beau et terrible - et la tragédie des communistes, embarqués sur une Atlantide : « Au plus noir du malheur j'entends le coq chanter »...