Casanova, Kierkegaard... L'écrivain qui se voulait
philosophe, le philosophe qui se déclarait écrivain... D'un siècle
à l'autre, du crépuscule des Lumières à celui du Romantisme, la
rencontre spirituelle des deux plus célèbres séducteurs européens
répond à une même interrogation ontologique : affirmer, contre
les prescriptions dogmatiques de la Raison classique, puis du
Moi romantique, le primat existentiel de l'Individu.
Sous sa perruque ou son chapeau noir, peu importe, l'Individu
se célèbre lui-même sans se complaire à l'autoportrait. Des
Mémoires du Vénitien au Journal du séducteur danois, la
question de l'identité et de sa «vérité» s'efface derrière celle de
la qualité existentielle de la représentation de soi. Mais ce
mouvement phénoménologique original ne saurait exister sans
autrui ; l'Autre est d'abord objet de séduction... avant le lecteur
- la lectrice. Oui, à un siècle supplémentaire de distance,
sommes-nous les victimes plus ou moins consentantes de ces
séducteurs mythiques ? Critiques, nous appelons cette forme
d'écriture inféodant la réalité à la subjectivité pour mieux
manipuler sa propre réception : automythologie.
Ces paradoxes démontrent la pertinence des oeuvres de Kierkegaard
et de Casanova au milieu des débats littéraires contemporains
; l'automythologie, comme forme dialogue avec son
adversaire, le genre de l'autofiction.
Après des recherches en Littérature générale et comparée,
Nathalie Gendrot poursuit sa réflexion à la croisée des domaines
de l'Esthétique et de la dramaturgie d'opéra.