Le 19 juillet 2014, le journal Le Soir révélait à Bruxelles que selon des estimations
américaines, britanniques et belges, la France, la Belgique, le Royaume-Uni, l'Italie,
la Pologne et les États-Unis pourraient perdre entre 43 et 50 % de leurs emplois dans
les dix à quinze prochaines années. Trois mois plus tard, le Journal du dimanche
soutenait que trois millions d'emplois seraient condamnés à disparaître en France
au cours des dix prochaines années.
L'automatisation intégrée est le principal résultat de ce que l'on appelle «l'économie
des data». Organisant des boucles de rétroactions à la vitesse de la lumière (à travers
les réseaux sociaux, objets communicants, puces rfid, capteurs, actionneurs, calcul
intensif sur données massives appelées big data, smart cities et robots en tout
genre) entre consommation, marketing, production, logistique et distribution, la
réticulation généralisée conduit à une régression drastique de l'emploi dans tous
les secteurs - de l'avocat au chauffeur routier, du médecin au manutentionnaire - et
dans tous les pays.
Pourquoi le rapport remis en juin 2014 au président de la République française par
Jean Pisani-Ferry occulte-t-il ces prévisions ? Pourquoi le gouvernement n'ouvre-t-il
pas un débat sur l'avenir de la France et de l'Europe dans ce nouveau contexte ?
L'automatisation intégrale et généralisée fut anticipée de longue date - notamment
par Karl Marx en 1857, par John Maynard Keynes en 1930, par Norbert Wiener et
Georges Friedmann en 1950, et par Georges Elgozy en 1967. Tous ces penseurs y
voyaient la nécessité d'un changement économique, politique et culturel radical.
Le temps de ce changement est venu, et le présent ouvrage est consacré à en analyser
les fondements, à en décrire les enjeux et à préconiser des mesures à la hauteur
d'une situation exceptionnelle à tous égards - où il se pourrait que commence véritablement
le temps du travail.