Ce livre fait le bilan de ce qui a été sans doute la plus étonnante expérience religieuse et sociale de l'histoire moderne. L'utopie mise en pratique par les jésuites, sous la forme originale des « réductions », s'est développée pendant plus d'un siècle et demi (1610-1767), au coeur de la forêt tropicale du Paraguay et le long des grands fleuves, entre les territoires des colonies espagnoles et portugaises de l'Amérique méridionale. La province de Paraquaria (32 villages d'indiens convertis pour 150 000 habitants) menacée et attaquée par les bandeirantes du Brésil, servait de barrière protectrice à la colonie espagnole. Les jésuites décidèrent pour se défendre d'armer les Indiens, ce qui était contraire aux ordonnances de la colonie et ce qui a été l'un des éléments qui ont suscité l'hostilité des colons espagnols.
Cette « Cité de Dieu sur la terre » était basée sur le travail et la prière. Elle vivait en autarcie, quoique pratiquant aussi le commerce, notamment celui du maté ou « herbe du Paraguay ». Aux antipodes de leur mode de vie ancestral, peut-être les Indiens convertis y trouvèrent-ils un chemin vers le monde idéal de la « Terre sans mal », que leur promettaient sans cesse leurs chamans.
Une anthologie de témoignages et une abondante illustration rendent compte des jugements portés sur les Indiens par les jésuites, de la vie quotidienne dans les « réductions » et des appréciations contradictoires qui ont assimilé ces missions à une colonisation autoritaire basée sur la rentabilité ou à une république chrétienne dont le seul but était le bonheur des Indiens.