Ce qui frappe dans l’histoire du Berry, c’est l’extrême lenteur avec laquelle les progrès de toute sorte s’y infiltrèrent, puisque c’est par un sentiment inéluctable de liberté qu’ils finirent par triompher.
Du passé qui s’est déroulé devant nous depuis la conquête des Gaules jusqu’à Louis XVI, il est peu de choses qu’il faille regretter. Aussi j’espère ne pas être accusé de vouloir modifier en quoi que ce soit l’admirable unité de la France, en demandant que Paris n’en soit pas la seule expression et qu’il laisse aux départements une certaine indépendance vis-à-vis du pouvoir central.
Le Berry, couvert de débris des âges mystérieux, dolmens et menhirs, semble avoir gardé dans ses légendes rustiques des souvenirs peut-être antérieurs au culte des druides. On y devine que les superstitions du moyen âge, souvent hideuses, ont dû plus d’une fois tourner ici au burlesque, en sabbats obscènes, en moines bourrus qui s’en allaient, menaçants et plaintifs, frapper aux portes des maisons dans la nuit. Le souvenir semble s’en perpétuer dans ces monstres dont les sculpteurs des cathédrales gothiques ont légué à la postérité les têtes bestiales.
Et par-delà ces lugubres visions, bien au-dessus d’elles, on sent comme un esprit simple qui voltige entre ciel et terre. C’est l’âme du paysan des campagnes berrichonnes, âme toujours simple, malgré une finesse innée, si bien mise en relief par les romans champêtres de George Sand, âme loyale et fortement attachée à cette seconde patrie dont parle Cicéron, et qui n’est autre que le coin de terre où nous naissons...