Il en va parfois comme d'une chute ascensionnelle, du vol d'une feuille ou du rire, de la moue chagrine d'un enfant, de tas de choses en somme, que l'on aimerait pouvoir dire et qui tremblent en bord de voix, et dans les mots, le souffle en soi, de sorte que l'on doit tenter de s'établir au sein de l'instabilité même, du vacillement, du vertige, et chanter, pleurer, crier, gémir, serrer contre sa poitrine le moindre oiseau, la moindre pâquerette, ou sous la pluie longer un fleuve, une rivière afin d'exprimer ce que les morts, nos morts, nous ont confié, qui leur brûlait le coeur. Il y a tout cela dans ton bloc de peine. Et tant d'espaces, tant de durée, d'instants fracturés dans le bleu ou le gris du ciel... Tu dis, dans ces pages, ces poèmes, qu'il n'y a pas cadeau plus beau qu'un livre : celui que tu me fais en me donnant à lire cet ensemble n'a pas de mesure et, je l'écris sans feindre, jamais peut-être tu n'as avec une telle douloureuse candeur, de tels battements d'âme et d'aussi bouleversantes paroles, transmis à qui t'accompagne alors cette pureté, cette inexplicable scansion où s'unissent tous les amours, tous les chagrins, tous les bonheurs, fussent-ils insupportables et tellement absolus qu'on pourrait en crever, là, maintenant. Si la poésie existe, elle est dans tes phrases.
Dans ce bloc, dense, compact, et dans cette légèreté pourtant, ce flux, cette coulée de larmes : je crois n'avoir rien découvert d'aussi beau depuis les élégies de Rilke. Sans doute est-ce parce que cela « tombe » en prenant son essor, en se mêlant aux nuages, aux étoiles, à la volubile floraison du sang.