Si nul ne peut plus ignorer les crises économiques, sociales
et écologiques qui assombrissent notre avenir, que peut
signifier être bouddhiste aujourd'hui ?
Dans ses formes traditionnelles, le bouddhisme considère
la souffrance comme la manifestation d'une angoisse existentielle.
Ses enseignements et ses méthodes sont autant de
propositions pour en défaire les mécanismes mentaux. Depuis
plus d'un siècle cependant, influencés par les conceptions
modernes de l'aliénation et de l'émancipation, de nombreux
bouddhistes ont élargi leur regard aux mécanismes sociaux de
la souffrance : se changer soi-même et changer le monde ne
sont plus que deux facettes d'un même projet. Un bouddhiste
peut - et même doit - s'engager dans la vie politique, économique
ou civile afin de concrétiser un idéal de société juste et
équitable, quitte, et c'est une autre nouveauté, à s'opposer aux
structures établies.
Incarné par des personnalités comme Thich Nhat Hanh, qui
forgea l'expression «bouddhisme engagé» dans le contexte
de la guerre du Viêt-Nam, ou le XIVe dalaï-lama, qui propose
lui aussi un bouddhisme social, humaniste et non violent,
ce courant tisse aujourd'hui une invisible toile qui transforme
et modèle l'ensemble des traditions bouddhistes d'Orient
et d'Occident. Éric Rommeluère présente les enjeux de ce
mouvement, ses limites, ses espoirs et s'interroge sur sa signification
concrète dans le monde d'aujourd'hui.