En 1990 à Paris, alors que l'épidémie de sida produit chaque jour plus de ravages, des prostituées se mobilisent et interpellent les pouvoirs publics. Huit grands cahiers jaunes à la couverture toilée circulent rue Saint-Denis et au-delà, sur les boulevards périphériques ou chez les marcheuses des Champs Élysées : les femmes y écrivent des « lettres de confidences » pour témoigner des conditions d'exercice de leur métier.
Cette parole est rare. Fragile, elle fait surgir une réalité diverse et incarnée, violente et ordinaire : bataille du préservatif, peurs et rivalités, mais aussi dignité et revendication de droits et d'un statut social. Car les lettres recèlent aussi la force de l'écrit. C'est un exemple remarquable d'empowerment dans l'histoire des femmes, la naissance d'une conscience collective à l'issue heureuse : la création du Bus des femmes, première association de santé communautaire de prostituées, dirigée par des prostituées.
Bien loin des fantasmes et des débats campés dans l'arbitraire, cet épisode méconnu témoigne de l'histoire des mobilisations citoyennes.
Un document extraordinaire présenté et commenté par des actrices de l'aventure : la sociologue Anne Coppel qui se mit au service de cette recherche-action, Lydia Braggiotti qui en fut la cheffe de projet et Malika Amaouche, héritière avec Act Up de ce combat.