Le Cantique des cantiques
Des pourpres de Salomon à l'anémone des champs
D'abord suspect, le Cantique des cantiques a finalement été admis dans le canon biblique. Et non seulement admis, mais exalté : il est chez les Juifs récité lors de la Pâque, voire à chaque entrée dans le Chabbat par certaines communautés. La raison de cette promotion fulgurante n'est autre que l'interprétation allégorique déchiffrant dans le dialogue de l'amant et de l'amante une parabole de l'Alliance liant le Dieu d'Israël à son Peuple.
Plus récemment, c'est au nom de la valeur directe de l'amour humain que l'on justifie après coup la place du Cantique dans la Bible, et des commentaires en tirent même un érotisme exacerbé.
Mais entre l'allégorie traditionnelle et l'érotisme à la mode, il est possible de lire le Cantique comme le produit d'une joute entre poètes de cour. Il suffit de partir des trois énigmes finales, opposant la puissance artificielle à la simple présence de l'amant et de l'amante. Elles offraient à des lettrés un défi de poésie.
Sept sages l'ont relevé pour broder leurs variations. Le roi Salomon, aux mille femmes et tout de grandeur artificielle, leur sert d'emblème, de repère, ce qui explique le caractère précieux des poèmes. Mais il sert en même temps de cible. Le Cantique oppose en effet le choix de l'amour direct, immédiat, à la volonté de puissance qui est dans le Prince. Cette critique de la puissance comme l'appel à la solidité de chaque être s'accordent au projet de la Bible entière, qui passe par la politique pour dire le religieux.