Gautier : Eh bien quoi, c'est une belle mort, non ? Tu aurais préféré mourir dans un lit ? De toute façon, je ne pouvais pas faire autrement. C'est utile au récit.
Matamore : Utile à Sigognac surtout ! A présent il est sans rival. Le coeur d'Isabelle est tout à lui.
Gautier : Je ne voudrais pas te faire de la peine, Matamore... mais Isabelle ne t'aimait pas.
Matamore : Mensonge ! Elle me lançait parfois de ces regards où mon coeur allait puiser la force de battre encore un peu.
Gautier : Non, Matamore... ce que tu prenais pour de l'amour n'était... qu'un signe d'affection.
Matamore : Vous me tuez deux fois aujourd'hui, Monsieur Gautier. Je supportais sur scène les refus d'Isabelle et les rires du public s'amusant à me voir malmener. Je me disais : « C'est du théâtre mais en coulisse, un soir, elle te prendra la main et glissera à ton oreille les mots que tu attends. » Vous nous avez embourbés près du château de Sigognac... Je n'ai rien dit. Le baron nous a suivis et fait le paon devant ma belle. Je me suis tu encore. J'étais aveugle et vous venez, Monsieur, d'ouvrir les yeux d'un mort au lieu de les fermer. S'il est un endroit où les personnages bafoués se retrouvent, je m'en vais de ce pas les rejoindre. Adieu !
C'est sans nul doute l'un des titres les plus évocateurs du roman français de cape et d'épée. C'est aussi l'une des oeuvres les plus populaires du XIXe siècle.
Théophile Gautier, après avoir rédigé le début de son roman, a abandonné ses personnages. Le pauvre Sigognac vit donc dans son château délabré avec pour seule compagnie son domestique, Pierre. Celui-ci, plein de ressources, décide de s'adresser directement à l'auteur afin de le convaincre de reprendre l'écriture de son roman et briser ainsi la solitude de son maître. Ce n'est pas sans une certaine appréhension que l'auteur accepte.
Voilà donc qu'une troupe de comédiens débarque au Château de la misère un soir de tempête et entraîne Sigognac dans un tourbillon d'aventures...