Ces mémoires, écrits à la première personne, couvrent la période 1939-1945 et se situent dans le village cévenol de Valleraugue, où l'auteure, Janet Grierson, une jeune femme issue d'une vieille famille écossaise et mariée à un Français, François Teissier du Cros, mais que rien ne préparait à partager la vie d'une petite communauté rurale, a choisi de se mettre à l'abri avec ses enfants.
Dans ce récit du quotidien, elle décline du plus intime au plus large le thème de l'appartenance et de la déchirure, du partage affectif et moral auquel elle se trouve confrontée par sa position (étrangère ayant adopté la France), dans un pays par ailleurs coupé en deux, face au jeu des divisions et des alliances subies ou assumées, tantôt avec une force et une conviction absolues, tantôt dans le doute et le découragement.
Mais cette chronique où tout fait événement - de la quête de nourriture à l'annonce de l'armistice - ne suffirait pas à faire de cet ouvrage un texte d'exception si l'intelligence et les dons d'observation de l'auteure n'éclairaient avec tant de perspicacité les motivations de chacun. L'écriture, fine et élégante, sait restituer l'émotion des moments les plus forts tout en laissant s'exprimer l'humour, l'insolence et le rire d'une jeune femme profondément éprise de la vie.
Une autre qualité de ce livre est d'apporter un témoignage rare sur la communauté de réfugiés (russes, belges, anglais) mais aussi d'intellectuels (Germaine Dieterlen et les Lévi-Strauss sont ses proches voisins et amis) présents à Valleraugue durant cette période noire. Tout ce monde compose un milieu cosmopolite qui, loin de se tenir à l'écart, se mêle à la population locale dont il dépend aussi.
Paru en Angleterre en 1962, l'ouvrage, plusieurs fois réimprimé, a contribué à faire découvrir les Cévennes à nombre de Britanniques et plus tard d'Américains. Il est traduit pour la première fois en français.