Le charme indiscret est une histoire éternelle, remplie de sentiments universels – amitié, amour, joie, gravité, désespoir, méfiance – ... et de sexe. Le récit commence le jour même de la proclamation du Traité de Westphalie (1648), qui met un terme à la Guerre de Quatre-Vingts Ans entre le Roi d’Espagne et les États de Hollande. Dans l’euphorie des festivités, Jan Schuermans, intelligent et sémillant curé d’Ename, paisible village de Flandre, faisant fi de la pruderie de son époque, se laisse aller à coucher avec une jeune femme. Les circonstances sont floues. S’agit-il de séduction ou de viol ? Quoi qu’il en soit, un enfant naît presque huit mois plus tard et meurt quelques jours après. Ce décès n’empêche pas la machine judiciaire ecclésiastique de s’acharner à l’enquête. Poursuivi, Jan Schuermans se réfugie à L’Écluse (Sluis), ville devenue hollandaise en vertu du Traité. Or, voici qu’on découvre d’autres scandales impliquant une moniale et des femmes du village. Condamné et chassé de son village, notre curé se retrouve en fâcheuse posture à Dunkerque, juste au moment de la Bataille des Dunes, repart sur les routes de l’exil et finit ses jours dans les parages de Furnes. Toute sa vie n’est qu’une longue succession d’ambitions frustrées, d’humiliations profondes et de poursuites acharnées. L’auteur excelle à brosser cette tragique « petite histoire » personnelle sur fond d’Histoire avec un grand H. Il évoque d’une part le curé et sa clique d’amis et amies, de l’autre les grands événements de ce dix-septième siècle, dont le dépeçage de la Flandre, disputée entre l’Espagne, la France et les Provinces-Unies. L’auteur exploite un éventail de documents étonnamment riche et varié pour retracer les faits certes mais avant tout pour pénétrer la psychologie des personnages. Il dénonce en même temps la mesquinerie de la Contre-Réforme avec son cortège de haines et de suspicions. Lancinantes, ces paroles de Jan Schuermans : « Je ne voulais pas de quelque chose de vivant ».