J'ai grandi dans la guerre. Le charnier général. La charnière entre deux âges. La révélation des camps de la mort. L'antisémitisme ordinaire et la lutte féroce entre les vieilles lunes et les lendemains qui chantent. Ma réponse d'enfant à ce chaos fut un rêve absurde : dessiner des cow-boys et des Indiens jouant aux gens d'armes et aux voleurs. Le temps a passé, la guerre est loin et partout.
La révélation du camp de la vie a pris racine. L'antiracisme essaye d'être ordinaire. D'autres gamins sont arrivés. Ils ont grignoté mon rêve avec gourmandise. Ils ont rêvé à leur tour. Parmi tous ces rêveurs en action, Joann Sfar tient une place particulière. Il fait partie de ces gens d'âme dont le rôle est de raconter des histoires qui donnent du sens aux histoires que leurs aînés leur ont racontées. Quant au chat du rabbin, ce petit voleur de parole, je le soupçonne d'être celui par lequel Joann a entrepris de donner du sens à sa propre histoire.
Je propose à tous de grignoter son rêve avec gourmandise.