"L'Abbé me dit que, si je consentais à la proposition,
le roi d'Angleterre viendrait à la cour ; il y serait deux
jours ; ensuite il m'épouserait ; et après cela il s'en irait en
Irlande.
Je répondis que je ne pourrais être sans inquiétude de
le voir embarrassé dans une guerre telle que celle-là ; et
que si je l'épousais, je ne pourrais jamais m'empêcher de
vendre tout mon bien et de le hasarder pour reconquérir
son royaume ; et qu'il faut avouer que ces pensées
m'effrayaient un peu, et qu'après avoir toujours été
heureuse et nourrie dans l'opulence, ces réflexions
m'épouvantaient fort.
Il me dit que j'avais raison : que je devais pourtant
songer qu'il n'y avait point d'autre parti pour moi dans
l'Europe ; que l'Empereur et le roi d'Espagne étaient
mariés ; que le roi de Hongrie était accordé avec l'infante ;
que je ne voulais point des souverains d'Allemagne ni
d'Italie ; qu'en France le Roi et Monsieur étaient trop
jeunes. Je me mis à rire, et lui répliquai : "Si Monsieur veut
que j'épouse le roi d'Angleterre, j'aime mieux épouser ce
prince lorsqu'il est malheureux, parce qu'en cet état il
m'aura obligation ; et quand il rentrera dans ses États il me
considérera, parce que j'en aurai été la cause, par les
secours qu'il aura reçus de ma maison, et à ma
considération."