Des années folles aux années noires, deux jeunes intellectuels écrivent leurs
enthousiames, leurs incertitudes et leurs projets. En 1922, Jean Tardieu s'est déjà
choisi poète, Jacques Heurgon se rêve encore romancier : l'École normale
supérieure puis l'École française de Rome feront de lui un éminent professeur.
Leur correspondance témoigne de l'effervescence intellectuelle d'une époque
rythmée par les Entretiens d'été de Pontigny, les choix éditoriaux de La Nouvelle
Revue française et les salons littéraires parisiens. Lettres tour à tour amusées et
sérieuses, badines et parfois indiscrètes, où l'on rencontre Roger Martin du
Gard, André Gide, Paul Valéry, François Mauriac, Charles du Bos ou Bernard
Groethuysen, et qui déclinent les anecdotes de Pontigny ou de Paris, les débats
et les controverses de l'entre-deux-guerres. Jeunes auteurs et grands lecteurs, Jean
Tardieu et Jacques Heurgon se soumettent l'un l'autre leurs poèmes, leurs
traductions ou leurs articles ; ils commentent aussi les publications
contemporaines, les sommaires des revues et l'actualité éditoriale : leurs
échanges offrent un document unique sur les auteurs, les oeuvres et les pratiques
littéraires du temps. D'Indochine, d'Italie ou d'Algérie, leurs lettres racontent
enfin l'empire colonial français, les terreurs des années trente, la guerre et
l'engagement dans la Résistance.
Leur correspondance a cessé au moment de leurs retrouvailles à Paris, en
1944, sur les décombres d'un monde ancien dont ils partageaient l'héritage.