Depuis l'élaboration improvisée, comme à l'accoutumée, de ce
texte (1984-85) et sa première édition (1986), Jean Oury continue
à bâtir des amers pour le «chemin qui se fait en marchant» au cours
de ses séminaires mensuels de Sainte-Anne. Ces soirées sont d'une
rare densité, comme le texte qui suit en témoigne, mais tout se lit
aisément, tout se lie, se lisse, glisse.
Pourtant «Rome brûle» ; mais parce que, comme le dit le poète,
«elle brûle tout l'temps», il faut bien continuer à penser, parler,
écrire, témoigner, tout cela parfois dans la honte ; le rouge au
front - au front de la folie - comme notre cher Tosquelles empoignant
celle-ci au plus près des affrontements sanglants de la guerre
civile d'Espagne. Car c'est là, des leçons de cette guerre, qu'il a
bien fallu penser les rapports entre l'État et ses institutions d'État,
ses «établissements», et le tissu d'institutions, les associations,
amicales, clubs, syndicats, mutuelles, que dire encore !, créées
pour être près du «singulier», de l'être cheminant.
C'est précisément là que l'ouvrage, où le lecteur va déambuler, jette
une vive lumière. Saisissant une première articulation, celle de l'établissement
et des institutions de cet établissement, puis une
deuxième, celle entre ces institutions et un-chacun (comme le dit
Tosquelles), cet opérateur qu'est le Collectif permet le jeu de cette
double articulation. Une vraie relation triadique, donc d'un registre
conceptuel. C'est là que Jean Oury, à l'instar de Lacan, de Peirce, propose
d'identifier cet opérateur à ce que permet la double articulation
dans le langage.
Quel bonheur de rendre possible par cette nouvelle édition la continuité
de la diffusion de cette parole, de cette pensée !
Michel Balat