Le « comme si »
Dans l'expérience esthétique, nous éprouvons des émotions au sujet de personnages que nous savons fictionnels. Mais ne faut-il pas croire que quelque chose est réellement arrivé à une personne pour que cela nous émeuve ? On trouve une contradiction du même type dans l'expérience religieuse de certains chrétiens : ils disent être émus par Jésus et par ses paroles sans pourtant penser qu'il est réellement le Fils de Dieu. Un autre paradoxe, lié lui aussi à l'usage de fictions, concerne la théorie de la connaissance : comment parvenons-nous à atteindre des résultats corrects tout en utilisant des fictions dans nos raisonnements ? L'auteur entend manifester la pertinence du « faire comme si », attitude thématisée la première fois par Kant et développée en détail par le néokantien Hans Vaihinger dans sa Philosophie du comme si (1911), pour élucider ce type de paradoxe. L'« approche par le comme si » de Vaihinger, dont Christophe Bouriau examine les sources et la postérité, établit une médiation entre plusieurs aspects de la philosophie de Kant et certains courants actuels de la philosophie analytique, qu'on regroupe sous le nom de « fictionalisme ».