Frédéric Soulié (1800-1847)
"– N’est-ce pas une belle nuit pour voyager, dis-moi, maître Goldery ? Vois comme la lune dessine sur le ciel bleu les crêtes de notre montagne et les bouquets de houx qui la couronnent avec leurs formes bizarres.
– Ma foi, messire, je trouverais la lune adorable et je ferais vœu de pendre un anneau d’or à chacune de ses cornes, si elle me dessinait aussi parfaitement le toit d’une bonne hôtellerie et le bouquet de houx qui pend à sa grande porte avec sa forme charmante.
– Eh ! mon garçon, prends patience, tu verras bientôt les créneaux d’un vaste château, et, je te le jure, tout formidable qu’il est, il renferme autre chose que des lances et des arbalètes. Depuis dix ans que je l’ai quitté, il faut que Gaillac ou Limoux n’ait pas produit une bouteille de vin si nous n’en trouvons pas en abondance dans les caves de mon père ; il faut que le bon vieillard ne puisse plus lancer une flèche ou qu’il n’ait plus un homme capable de manier un arc, s’il ne se trouve pas au croc du charnier un bon quartier de daim, sinon un jambon d’ours et peut-être même quelque grasse et succulente bartavelle."
Printemps 1211. Le comte Albert de Saissac, accompagné de son serviteur Goldery, rentre de Terre Sainte. Arrivé sur les terres familiales, il découvre le château détruit, sa famille massacrée... Il ignore encore que la croisade contre les Albigeois, menée par Simon de Montfort, fait rage dans le Languedoc...