Le concept d'humour pervers chez Sade
Une analyse psychobiographique
Avant de devenir un écrivain, le marquis de Sade fut un sujet clinique
singulier. Les traumatismes de son enfance (abandons, séductions) et ses
incarcérations, sous tous les régimes politiques de son époque, eurent un
impact sur la structure et l'évolution de son inquiétante personnalité. Avec
le marquis de Sade, nous sommes, malgré les tentatives de réhabilitation par
la littérature, plus proche du modèle psychopathologique du « psychopathe
pervers », du délinquant multirécidiviste, que de la « victime ». Ce passé
morbide eut également un impact sur sa fantasmatique, réparatrice, et sur la
genèse de ses romans, non moins réactionnels. C'est en prison, au cours de
séances oniriques, qu'il s'est mis à « jouer » avec ses fantasmes, qu'il les a
intégrés dans des scenarii, de plus en plus baroques. C'est à ce moment-là,
dans cette « folle » outrance, qu'interviennent les procédés du comique et
de l'humour pervers. Passages à l'acte symboliques, ils permettent à Sade
de soumettre la réalité, et ses objets, à ses délires prégénitaux, de jouir d'une
victoire narcissique temporaire. Ces procédés, instruments de sa perversité,
contribuent à l'assassinat psychique, affectif et moral des lecteurs. L'humour
pervers est un symptôme.
C'est donc dans le cadre d'une approche psychobiographique des oeuvres
romanesques les plus violentes du marquis de Sade, que l'auteur utilise, en
les situant dans le triple champ de la psychanalyse, de la psychiatrie et de la
critique littéraire, les concepts novateurs de comique et d'humour pervers.