Critique de la politique Payot
Le titre même de cet ouvrage, Le Conflit des Facultés et autres textes sur la révolution, réalisé par les soins de Christian Ferrié, dit l'ambition de son auteur. Il s'agit de rien moins que de conférer à un texte classiquement considéré comme secondaire - à l'exception de la seconde section - le statut d'oeuvre majeure où se manifeste la cohérence d'un tout, au point que l'on puisse y voir le testament politique de Kant.
À cela contribue d'une part l'édition des premières moutures de la seconde section sur le progrès historique du genre humain. C'est le cas d'un Essai sur le progrès comprenant des fragments traduits pour la première fois en français. D'autre part, une interprétation renouvelée de la première section relative au conflit entre la Faculté de théologie et celle de philosophie, selon laquelle serait en jeu la question du théologico-politique, c'est-à-dire l'émancipation du politique à l'égard de la religion, grâce à une critique radicale des différents messianismes qui font obstacle à la pratique pure d'une religion de la raison.
Testament politique révolutionnaire où Kant, à suivre l'interprète, se trouverait situé entre Spinoza et l'École de Francfort. En effet, dans cette mise en scène des conflits qui opposent les Facultés supérieures, du côté du pouvoir, à la philosophie, du côté de l'émancipation, se constitue une théorie critique de l'idéologie dominante.
À partir de l'enthousiasme que suscite l'événement révolutionnaire chez les spectateurs qui y perçoivent le signe d'un progrès en mieux, Kant affirme une exigence normative à réaliser politiquement, sous la forme de la reconnaissance du droit du peuple inscrit dans une constitution républicaine.
Une postface inventive fait crédit à Kant d'avoir élaboré un réformisme révolutionnaire qui, prenant appui sur un diagnostic du présent, révèle sa vision politique d'un monde à venir.