Écrit en langue napolitaine, sous l'anagramme Gianlesio Abbattutis,
autour de 1625, et édité, posthume, en 1634-1636, Lo cunto de li cunti
de Giambattista Basile n'a jamais fait l'objet d'une traduction
intégrale en français. Il s'agit pourtant de l'une des productions
majeures de la littérature européenne du XVIIe siècle. Il peut être
considéré comme un recueil de contes pour enfants, ainsi que son
sous-titre l'indique et l'on peut tenter de rechercher quelle
inspiration les contes du Napolitain avaient pu fournir à Perrault ou
à Grimm.
D'autres critiques, comme Italo Calvino, hésitent à inclure Basile
dans ce patrimoine, préférant souligner la richesse de l'invention
métaphorique et le délire de l'imagination voyageant du «sublime
au sordide». Ainsi selon Calvino «le Conte des contes est le rêve d'un
Shakespeare napolitain difforme, obsédé par tout ce qui est
effroyable, n'ayant jamais son compte de sorcières et d'ogres, fasciné
par les images alambiquées et grotesques, où la vulgarité se mêle au
sublime». Et sans doute ont-ils raison. Mercenaire à la solde de la
Sérénissime République de Venise, académicien, courtisan au contact
des centres culturels les plus prestigieux d'Italie, Venise d'abord, et
Mantoue où sa soeur, la chanteuse Adriana Basile régnait en diva,
poète dilettante et gouverneur de fiefs provinciaux aux environs de
Naples, Basile est un «aventurier de la plume».
Le Conte des contes n'est pas seulement un conte (celui de la
princesse Zoza, que Lucia, l'esclave mauresque aux jambes de
sauterelle, dépossède du prince qu'elle a ressuscité par ses pleurs)
qui engendre d'autres contes (ceux que les femmes racontent à Lucia
à qui Zoza a donné l'envie irrépressible d'entendre des histoires),
c'est un monument narratif qui orne et enrichit les structures
élémentaires du merveilleux d'une expérience d'artiste et d'homme.
Partant de la structure traditionnelle des nouvellistes antérieurs
(ici cinq journées au cours desquelles dix femmes difformes
racontent des histoires à une petite cour magique dont la princesse
est sur le point d'accoucher), il la transgresse, par le merveilleux, par
la langue napolitaine qu'il enregistre et magnifie, par la parodie et la
destruction du récit-cadre traditionnel, par l'auto-dérision enfin.