Le corps des anges
« Rémi vit bien une lumière, mais elle ne venait pas jusqu'à lui. Nulle blancheur, mais une allure souple, un corps délié, une source de silence gravée au creux du ventre, un gouffre où engloutir et son corps et ses biens. Ce n'était pas un ange, c'était un homme.
L'orage s'étant tout à fait déclaré, Rémi avait laissé son tracteur en plein champ pour s'abriter en lisière d'un bois de hêtres. Il était là, stupide et désoeuvré, sans un oiseau à contempler, sourdement irrité d'avoir été contraint à l'inactivité. C'est alors qu'il le vit, se riant des sillons, un ange permanent sur l'herbe à travailler, en mouvement éternel, toujours déjà là. Enchanté par l'orage, torse nu, souriant, il offrait au regard de Rémi un fin dessin fragile, une ombre serpentine incrustée sur son dos, le lézardant du cou à la naissance des reins. »