Le corps en amont. Le corps de l'écrivain I
The body upstream. The writer's body I
Le dossier « Le corps de l'écrivain » de la revue Sociologie de l'Art réunit un ensemble d'études dont chacune met en valeur une ou plusieurs caractéristiques sociohistoriques du corps de l'écrivain - ou plutôt, car il faut se garder d'essentialiser ce phénomène, des corps des écrivains. Le point de départ est à chaque fois un terrain bien délimité, composé de textes, de métatextes et/ou d'entretiens. Le présent volume (Opus 19) se concentre sur « Le corps en amont », c'est-à-dire que l'accent est mis sur le corps de l'écrivain avant et pendant l'acte d'écriture. Dans une première contribution, Christine Détrez montre à quel point ce corps écrivant détermine l'écriture littéraire dans ses conditions d'existence même, en prenant comme exemple le discours des écrivains féminins maghrébins sur leurs propres pratiques scripturales. Écrire en tant que femme en Algérie et au Maroc continue d'avoir un coût social et physique élevé. Gérard Fabre offre une version plus textuelle de certaines des observations faites par Détrez, sous forme d'une analyse d'un poème du Québécois Gérald Godin, où celui-ci évoque son incarcération en 1970 pour agitation indépendantiste. Le corps écrivant y est central : non seulement la forme singulière du poème s'éclaire-t-elle en la rapportant au corps captif du poète, mais ce n'est qu'en établissant ce lien que l'on voit le poème livrer une part insoupçonnée de sa signification. L'expérience somatique de l'écrivain est ici manifestement au fondement de l'acte littéraire. À travers le cas du dramaturge français Bernard-Marie Koltès, Jérôme Dubois entend montrer ensuite qu'une sociologie du corps de l'écrivain gagnerait à relier la poétique d'un écrivain et la façon dont celui-ci envisage le corps en général et le sien en particulier. Il s'agit d'examiner le corps de l'écrivain comme source d'inspiration ou, plus exactement, d'imagination. À cet effet sont convoqués des outils sociologiques et psychanalytiques.