Le corps en aval. Le corps de l'écrivain II
The body downstream. The writer's body II
Ce numéro de Sociologie de l'art présente le second volet (Opus 20) du dossier « Le corps de l'écrivain ». Le présent numéro déplace plus nettement le regard vers le texte et invite à observer ce que celui-ci, en tant que littéraire ou métalittéraire, contient du corps de l'écrivain, voire fait au corps de l'écrivain. Le numéro s'ouvre sur un article de Jérôme Meizoz sur Jean-Jacques Rousseau. Ce texte est en partie complémentaire du travail sur Bernard-Marie Koltès, dans la mesure où il cherche également à cerner la dialectique entre modalités discursives, d'une part, et, de l'autre, ce que Meizoz appelle une « posture », c'est-à-dire la manière dont, en l'occurrence, l'écrivain-philosophe suisse occupe sa position dans l'espace littéraire. On y découvre comment Rousseau passe d'une représentation de soi en pauvre vertueux à un discours où l'accent postural est mis sur le corps malade et la souffrance.
Les deux contributions suivantes, signées de deux jeunes chercheuses, élargissent encore l'enquête sur la présence du corps de l'écrivain dans ses oeuvres. Toutes deux ne l'observent pas seulement à l'aune d'un art poétique donné et d'une position corrélative dans le champ littéraire. Elles y voient aussi le principe de l'activité scripturale que cette activité transforme en retour selon des logiques proprement littéraires. Le corps apparaît ainsi en filigrane comme l'instrument et l'enjeu de l'écriture. D'abord, Marie Doga commence par montrer que le processus d'écriture chez Francis Ponge « prend sa source dans le corps ». Son article fait voir comment l'écriture réflexive du poète français n'a cessé d'impliquer son propre corps écrivant, transgressant ainsi les notions classiques d'auteur, d'écriture, d'inspiration, etc. et modifiant la notion de corps d'écrivain et de corps tout court. Enfin, Émilie Saunier, se penchant sur la romancière belge Amélie Nothomb, tente non seulement de cerner dans les oeuvres les traces laissées par le corps écrivant, mais aussi le bénéfice que ce même corps semble retirer de l'écriture qu'il engendre.