C'est à Noël, et c'est à Saint-Pierre de Rome, le jour et le lieu les plus
sacrés de la chrétienté occidentale : Charles, roi des Francs depuis 768
et des Lombards depuis 774, reçoit un diadème des mains du pape
Léon III, et les assistants s'écrient : «À Charles Auguste, couronné par
Dieu grand et pacifique empereur des Romains, vie et victoire !» Au faîte
de sa puissance et déjà salué comme le nouveau David, le fils de Pépin
le Bref, fondateur de la dynastie carolingienne, est désormais reconnu
comme le successeur de Constantin, premier empereur romain chrétien.
Cette restauration de l'Empire d'Occident, réinterprété par l'Église,
est le produit d'une construction idéologique et d'une conjoncture
politique dont Robert Folz restitue magistralement la réalité complexe,
et parfois obscure, dans cet ouvrage devenu un classique depuis sa
première parution. De la genèse de l'événement jusqu'à son extinction
en 877 avec Charles le Chauve, petit-fils du grand Empereur, puis à son
exaltation avec la transfiguration d'un Charlemagne héroïsé et sanctifié,
le grand médiéviste disparu donne à lire ce qui s'est joué d'immense pour
le destin de l'Occident ce jour d'hiver de l'an 800.
Laurent Theis revient dans sa préface sur la dimension originelle de ce
couronnement fondateur et sur son ombre portée pendant de longs
siècles, en les situant dans notre savoir, et notre mémoire, du passé
national.