Le crime
contre la condition de l'homme
Sur le nazisme, ses commencements et ses suites
Il n'est pas certain que l'Europe soit en capacité de garder longtemps vivante la mémoire de l'extermination nazie. Les mémorials ne peuvent pas suppléer seuls à la conservation de la mémoire quand l'enseignement de l'histoire est menacé et les monuments désaffectés (au sens où l'émotion en est absente ou non vécue collectivement).
Les lois dites mémorielles ou compassionnelles, selon l'expression retenue par Robert Badinter, sont préjudiciables à la Cité et même néfastes pour la tâche de l'historien. Et est-il du rôle de la loi d'attester des faits historiques sans risquer de verser dans l'histoire officielle ? Demeurent, cependant, les lieux de mémoire dont nous parle Pierre Nora qui sont capables de nous bouleverser et la création d'un enseignement de l'histoire des crimes contre l'humanité dans les écoles qui reste à établir. Cette histoire permettrait, observe Robert Badinter, d'éclairer le présent par les crimes du passé, c'est-à-dire de constituer une « réserve mentale ».
La fin de la civilisation européenne est advenue sur les monceaux des morts indénombrables laissés sans sépulture sur les champs de batailles et des tueries, la guerre industrielle portée à distance sur les villes, les pertes civiles inconnues jusqu'alors, la faillite du droit international (traité de Versailles), le chômage de masse et la désagrégation de la société allemande engendrée par la défaite et les conséquences de la crise économique de 1929.
Pour Imre Kertész, l'holocauste reste un problème vital de la conscience européenne parce que la civilisation qui l'a commis doit y réagir « sinon, elle deviendra à son tour une civilisation accidentelle, un protozoaire infirme qui dérive impuissant, vers le néant. »