«Sa présence me donnait la sensation d'un feu
glacé. Ses gestes étaient aussi pleins, aussi calculés,
aussi précis que ses phrases. Le passage
de l'action à l'immobilité se faisait chez lui de manière
si insensible et si leste que l'une et l'autre se superposent
encore aujourd'hui, dans mon souvenir. Je
revois sa main légèrement levée - la gitane instable
entre l'index et le majeur, et sa fumée flottante sur
ses longs ongles jaunes - je la vois planer sans bouger
ou à peine, puis, sans nervosité aucune, porter
la cigarette à sa bouche et au choix, regagner son
état d'apesanteur ou atterrir sur un genou et dormir
dessus comme de la mousse sur une pierre. Les
mouvements de Genet mimaient le mouvement du
temps qui s'entasse au lieu de passer. Il en résultait
une sorte d'air enfermé et pourri qui évoquait, en
effet, le mariage d'une mort et d'une rose. Ses deux
fleurs préférées.»