L’homme contemporain a coutume de se concevoir comme une profondeur intérieure. Chacun pense être un monde intérieur et une aventure subjective. Une histoire du sujet révèle cependant que la subjectivité n’est qu’une figure récente de la disposition du rapport à soi. Ainsi, les Confessions d’Augustin, souvent données en prototype des autobiographies apparues à l’âge moderne, témoignent-elles d’une organisation différente du rapport à soi : le sujet ne s’y développe pas comme intériorité subjective, mais suivant des modalités pratiques de constitution et de transformation de soi empruntant leurs règles et leur puissance à l’Écriture. Texte adressé à ses destinataires pour leur prescrire les modalités du travail sur soi au terme duquel le sujet adopte le rapport à soi qui lui permet de voir le jour, les Confessions empruntent la règle de leur écriture aux Écritures : l’exégèse de soi et l’application à soi des Écritures fournissent leur cadre aux exercices spirituels organisant le travail sur soi. Rompent avec les modes d’organisation du rapport à soi de la période précédente - néoplatonisme et manichéisme -, Augustin inaugure une figure singulière du rapport à soi dans laquelle naît un sujet sans subjectivité. La figure chrétienne de l’individu modelée par la pratique des Écritures, fait l’originalité des Confessions et se distingue de la figure moderne, née avec Rousseau, d’une subjectivité cherchant à se retrouver dans l’authenticité de sa singularité.