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La première édition de ce livre, en 1997, se présentait comme le prolongement intellectuel du travail de deuil qu’appelaient le génocide des Tutsi et les massacres d’opposants hutu perpétrés au Rwanda en 1994, mais aussi les massacres commis au Burundi en 1993. Seuls les chapitres généraux de la première édition ont été gardés, complétés par une conclusion actualisée. Quinze ans plus tard, le défi reste le même : celui de la réduction de la réalité génocidaire, qui hante cette région d’Afrique depuis un demi-siècle, à des « colères populaires spontanées » ou à des « guerres ethniques », c’est-à-dire à des massacres sans responsabilités. L’opinion publique reste souvent attachée à ces clichés, en fonction de préjugés persistants sur une Afrique exotique, « continent des ténèbres » et des « violences ataviques ». Toute une littérature, en France, continue étrangement à jouer de cette ignorance. Jean-Pierre Chrétien, qui a travaillé sur ces pays depuis plus de 40 ans, montre que l’ethnisme relève soit d’une illusion théorique, soit d’une propagande raciste qui, en l’occurrence, débouche sur des pratiques d’exclusion et des massacres de masse. Au Rwanda en 1994, l’éradication des Tutsi, décrits comme des êtres malfaisants d’origine étrangère, visait aussi à neutraliser les démocrates hutu qui s’opposaient au régime en place. Un projet censé être authentique et « populaire » a conduit à justifier (quitte à le nier ensuite) l’élimination radicale de « l’autre », traité en bouc émissaire de calculs politiques à courte vue. Ce livre rappelle que l’impératif de la recherche, en Afrique comme ailleurs, est de décrypter les fausses évidences. Par-delà les cas rwandais et burundais, il permet de penser autrement les rapports complexes qui s’établissent entre mobilisation politique, violence et construction identitaire.